Alors le fait que l'usine du monde soit la Chine n'a pas grand chose de nouveau: on l'a vu pour des choses aussi basiques que les masques en 2020, mais aussi pour tous les équipements réseau (quasi impossible qu'internet soit fonctionnel sans Huawei). On sait depuis des décennies que quand on vend un TGV ou une centrale nucléaire à la Chine, ce n'est pas tant le produit qu'on leur vend que le transfert de technologie qui va avec. En feignant de le découvrir lors de sa 1000e itération qui tombe sur la question de l'automobile, l'auteur démontre sa naïveté crasse car il n'y a rien de nouveau ici.
En revanche, il est également naïf vis à vis de l'Europe à imaginer que les décideurs n'ont pas conscience de la chose. S'il avait lu quelques rapports provenant des diverses commissions techniques, il aurait vu que ce point a été pris en compte. Et la logique de l'UE, c'est que le lithium, contrairement au pétrole, il ne disparait pas après usage. L'enjeu de l'électrification de l'Europe, c'est donc une bonne fois pour toutes de faire rentrer dans ses frontières la quantité de lithium correspondant à l'électrification de son parc auto puis une fois ceci atteint, de recycler ce lithium. De 1, c'est bien moins polluant que l'extraction primaire à l'autre bout de la terre ainsi que le transport qui va avec (car le lithium sera alors sur place), de 2, ca fonctionne alors en vase clos, sans plus avoir besoin de la Chine (contrairement au pétrole qui lui est une éternelle baignoire percée = une fois brulé, on n'a pas de moyen de le réutiliser).
Globalement, le niveau des journalistes a passablement baissé ces dernières années et ils ne font plus d'articles un minimum fouillés, juste du sensationnalisme. C'est sur que c'est vendeur de titrer que l'Europe se fait refaire le coup du cheval de Troie tout en sous entendant "tous pourris". Oui, à Bruxelles comme ailleurs, il y a des pourris. Mais pas que. Il y a aussi des gens qui font bien leur job et sur ce sujet, ils l'ont bien fait.
L'autre point, assez désolant intellectuellement, c'est l'emploi de la tactique du saucissonnage: on découpe le problème en plein de problèmes plus petits puis on regarde séparément chacun des problèmes, on se dit que vu comme c'est petit, ca sert à rien au niveau global de faire quelque chose, on recommence avec le sous problème suivant et on conclue qu'aucun des problèmes ne vaut la peine d'être adressé. C'est imparable ... mais juste intellectuellement faux. La réalité c'est que chaque sous problème, même quand il ne représente que 1%, est adressé et qu'au final, quand on a gagné 100 fois 0.5% (alors que 0.5%, c'est rien du tout), ben on a un impact de 50%.
Y'a aussi le classique: "les autres font pire donc ca sert à rien que je fasse quoi que ce soit". C'est une superbe justification de l'immobilisme. Mais en pratique, il faut bien qu'il y ait un premier, puis un second, etc. Et au bout d'un moment, ca finit par faire de la masse. Typiquement, les chinois commencent à s'attaquer eux aussi au problème de la pollution. Et un jour ou l'autre, les américains finiront par le faire, les indiens aussi. Attendre que tout le monde soit en mesure de faire un effort pour commencer à contribuer, ca a un nom: le nivèlement par le bas. Et niveler par le bas, c'est rarement une situation d'avenir.
Enfin, le laius sur les emplois perdus dans l'automobile. Oui, c'est vrai, il va y en avoir. Mais combien seront créés dans les nouvelles technologies dans le même temps? Et vu notre démographie, sauf à jouer de l'immigration massivement, comment espérerait on pourvoir ces emplois à horizon 2035? Il suffit de regarder le Japon qui malgré sa richesse et sa techno n'arrive plus à générer de croissance, tout simplement car c'est un pays de retraités et pas d'actifs et donc qu'ils ne peuvent pas augmenter leur nombre de travailleurs: ils étaient 82 mios d'actifs en 2010, ils ne seront plus que 68 mios en 2030. C'est ca la vague qui est entrain d'arriver en Europe et donc perdre des emplois n'est pas un mal, c'est juste une nécessité démographique en fait. Et le seul moyen, ce sera comme au Japon où ils ont remplacé les humains disparus par de l'automatisation ou de la simplification. C'est exactement l'avenir qui se profile avec l'avènement de la voiture électrique qui permet d'accompagner cette chute de la population active. Pour le moment, c'est encore soutenu par les pays de l'est qui ont encore une démographie favorable, mais pour les pays comme la France, qui a pourtant une politique plus nataliste que ses pairs, c'est stable. L'Allemagne ne tient que grâce à une forte intégration migratoire. L'Italie ne s'en sort qu'en ayant reculé significativement l'âge de la retraite. Donc tout le monde bricole pour lutter contre la lame de fond de la chute du nombre d'actifs. Et encore, on ne raisonne ici qu'en nombre de personnes, mais comme le travail à temps partiel a tendance à augmenter, de plus en plus souvent, un actif ne produit pas un 100% et donc la force de frappe d'une population active de taille constante aurait tendance à baisser à cause de ce phénomène. Donc drame de l'emploi que la transition du thermique vers l'électrique? Pas vraiment. C'est plutot un défi de reconversion pour faire évoluer le profil des jeunes qui seront encore sur le marché du travail en 2035 vers des postes adaptés à l'électrique en fait.
Bref, tout cela pour dire que le problème est bien plus vaste que l'article de capital ne le laisse entendre et l'UE bien moins naive et bien plus préparée que ce que le journaliste dit. C'est juste qu'il a assez peu creusé le sujet.
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