Il y a longtemps que je rêvais de retrouver et repiloter une traction, d'entendre son bourdonnement inimitable, d'apprécier sa tenue de route, retrouver son odeur reconnaissable entre mille. Mon père avait eu la chance, en 1947, d'obtenir un bon pour une traction. Et oui, à la fin de la guerre, à moins d'avoir les moyens d'un B.O.F., il était difficile d'avoir une voiture neuve sans bon d'achat. A cette époque, il avait repris ses fonctions et était président du tribunal de Marrakech, et c'est en cette qualité qu'il avait eu ce bon. C'était une 11B et avec elle, nous nous déplacions souvent tant à travers le Maroc qu'en Métropole. J'ai passé mon permis de conduire à Mazagan avec cette voiture ( c'était la récompense du Bac ) mais je n'avais pas le droit d'y toucher ."Travaille et achète ta voiture.". C'était la règle à la maison.Quelques années aprés, le Maroc avait acquis son indépendance et mes parents étaient rentrés en métrople. J'étais en Algérie ( le pays de mon père ) où j'avais effectué mon service et m'y étais fait démobiliser. Mon père m'envoya alors cette fameuse traction avec la quelle je me retrouvais sur les hauts-plateaux comme administrateur-adjoint. Bien sûr, j'allais régulièrement à Alger retrouver les amis et surtout amies et , un jour, un camion de GMS, faisant une fausse manoeuvre, enfonça l'avant gauche de la voiture. Elle fut alors prise en charge par le garage central du G.G. et là, étaient stockés des moteurs neufs et des avant-trains de traction, 11 et 15 cv. Ils étaient stockés, inutiles, les D.S. ayant supplanté les ''vieilles tractions lourdes et goumandes "L'adjudant responsable du garage , voyant que j'avais sérieusemnt "louché" sur un moteur de 15, me proposa de treansformer ma 11B en 15. Vous pensez bien qu'une pareille proposition ne se refuse pas...et quinze jours aprés, je suis revenu à Alger récupérer ma 15. Extraordinaire la différence entre ces deux voitures. Je ne parle pas de la consommation qui avait subi une trés forte inflation, mais le bruit, la souplesse et la vitesse avec laquelle je grimpais les cols du Sakamodi ou passais les gorges de la Chiffa sans baisse de régime m'ont laissé un souvenir emmerveillé. Arriva l'année maudite de 1962 où j'ai été, en janvier, trés gravement blessé et où j'ai, comme quelques millions de compatriotes, le 2 juillet, abandonné ce pays. Je ne voulais pas " leur" laisser ma voiture et, avec l'aide d'un ami gendarme, d'un jerricane d'essence répandu sur les sièges, d'une grenade attachée au volant et d'une trés grande ficelle pour arracher la goupille, j'ai mis fin à l'existence de cette traction. Je l'ai pleurée pendant 30 ans et un jour, avec ma femme, venant de prendre ma retraite , nous nous sommes mis en chasse...et j'ai trouvé la ( presque) même traction, une 15 de mai 1952, dans son état d'origine.....mais bien sûr à réviser ( et non restaurer). Le célèbre Ph. Ch. s'en est chargé, aprés que la T.U. --que j'avais contactée bien sûr-- m'ait donné plusieurs adresses de mécanos sérieux. Il faut dire que je n'ai pas la main trés mécanique et qu'il est préférable que je confie à des spécialistes reconnus les travaux indispensables si je veux voyager tranquilement. Mais j'ai retrouvé les mêmes sensations et le même plaisir à me ballader sur nos routes, à 90. Et là, au moins , quand on croise ou que l'on passe devant des gendarmes ( pas les couchés, les vrais!!) ils vous gratifient d'un salut toujours amical. Et c'est ma fille qui adore conduire cette voiture, son frère préférant quant à lui la souplesse d'un V8 ( j'ai aussi un coupé Rover P5B ). Voilà, bravo et merci à la T.U. et à ses présidents ( l'ami Bellière et ce cher Poussard ) pour avoir créé ce site, point de ralliement formidables pour tous les fanas d'André Citroen.
|